Quand le président Martelly s’est fait le mauvais messager

Article : Quand le président Martelly s’est fait le mauvais messager
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10 novembre 2014

Quand le président Martelly s’est fait le mauvais messager

Crédit /photo: www.radiotelevisioncaraibes.com

Depuis des jours, ce qui fait écho en Haïti, c’est la fameuse interview accordée par le président Martelly sur TV5 monde. Tant dans la presse parlée et écrite que dans les réseaux sociaux, les avis divergent. Si pour certains, le président ne faisait que ternir l’image du pays à l’extérieur, pour d’autres, il s’est donné beaucoup pour sortir de cette atmosphère encombrante engendrée par ces journalistes qui ne faisaient pas cadeaux au premier mandataire de la Nation Haïtienne.

J’ai beaucoup lu et entendu, à tort ou à raison, des commentaires des plus avisés jusqu’au simple citoyen de la rue sur la question. Mais il m’a fallu un peu de recul, pour saisir la dimension de ces réactions. Suivant que les gens soient pour ou contre l’administration en place, leurs opinions prennent de différentes allures.

Appréciation générale

Le président de la République effectuait une tournée en Europe. Il a eu notamment à rendre hommage au Précurseur de l’Indépendance, Toussaint Louverture, aux Forts de Joux, en France, où ce dernier fut emprisonné et décédé.

En effet, sur un plateau de trois journalistes vedettes dont Sophie Malibeaux, de Radio France Internationale, Philippe DESSAIN pour TV5 monde et Paulo Paranagua pour le quotidien Le Monde, l’interview annonçait beaucoup, pour un public de plus de 55 millions de téléspectateurs.

Il est important de remarquer que l’interview se réalisait à bâtons rompus. Cela dit, elle ne suivait pas une ligne méthodologique suivant laquelle les questions devraient être posées. D’ailleurs, à mon avis, c’est l’une des raisons pour laquelle le président Martelly tâtonnait sur des réponses sur lesquelles il n’a pas su épiloguer comme cela se pourrait. Je dois, en revanche, avouer que les journalistes, de mes yeux d’observateur, exprimaient une forme d’impertinence dans leur manière d’aborder le président. Je dirais même qu’à des moments précis, l’on pouvait croire qu’ils s’adressaient à un simple citoyen Français ou autre.

A plusieurs reprises, c’était évident, le président interrompu, ne pouvait  pas achever ses réponses. Les journalistes semblaient interpréter et tenter d’insinuer les dires du président. Une tactique. Bien qu’apparemment coincé, Michel Martelly a gardé son calme. Ce qui pourrait ne pas être le cas s’il se faisait interviewer  par des journalistes locaux. D’ailleurs, plus d’une fois, il les rappelle souvent qu’ils s’adressent au « Président de la République ». C’est l’homme !

Dans mes propos, je vous épargne des autres détails de l’interview. Mais je relate quelques déclarations tenues par le président qui n’ont pas fait honneur au peuple haïtien. De sa posture de Président de la République, Michel Martelly, en direct à la télévision, a rendu inconfortables beaucoup de citoyens.  La perception sur l’être haïtien comme un mal être, à certains égards, à tort, risque de s’accroitre. Il n’a pas su faire preuve de prudence. Sachant ce que vaut la force de la parole, je crois que le président aurait fait mieux d’épargner à la face du monde certains détails INUTILES.

crédit/photo: lenouvelliste.com
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L’interview/récapitulation et opinions

Tout au début, le président avait l’air à l’aise, comme s’ils étaient entre amis. D’ailleurs, cette trompeuse croyance lui a couté un accroc protocolaire, en commençant par « tutoyer » le journaliste qui lui a lancé la première  question relative aux situations « post séisme » du 12 janvier 2010 ayant nécessité de l’aide internationale.

A ce propos, Michel Martelly déclare avoir besoin de plus de « solidarité », d’idées, de projets, de capacité, au lieu d’argent pour reconstruire le pays. Selon lui, la mauvaise gestion de l’argent décaissé découle de la situation de mauvaise gouvernance en Haïti. C’est ce qui justifie qu’il veut proposer et faire développer une forme de partenariat avec d’autres structures.

–          Sur la question de l’aide proposée par l’internationale, le président pense que les haïtiens doivent sortir de cette dépendance. Ainsi prône-t-il  un changement de mentalité, une reconstruction de l’homme haïtien avant de parler de reconstruction du pays.

–          Face à la question de l’intrusion d’un ambassadeur sur la tenue des élections en Haïti, le président n’a pas su marquer le bon point. La réponse n’était pas à la hauteur d’un pays qui soit à même de se gouverner. Si même pour réaliser des élections, les acteurs nationaux ont besoin de l’implication de l’internationale, c’est la preuve que nous prêtons le flanc à ceux qui doutaient encore que le pays était mis sous tutelle. La souveraineté de tout un peuple est refoulée. La démocratie est loin d’être à son piédestal. Nous sommes en déficit de gouvernance. La stabilité du pays dépend absolument des acteurs qui y vivent. Il leur revient le devoir de s’entendre pour garantir une vie stable pour leurs concitoyens, ainsi que ceux-là qui sont de passage dans le pays.

–          Quant aux manifestations de rue, le président semble minimiser le poids de ces gens qui expriment leurs désaccords avec son administration. Mais ce qui me retient l’attention, c’est le fait qu’il dit ignorer qu’il y ait eu des individus protestataires arrêtés par les forces de police, alors que cela faisait la une dans les journaux. En tant que président,  il se devrait de s’informer sur de tels événements susceptibles d’affecter l’image de son administration. Cela étant, avouer l’ignorer, c’est montrer qu’il perd le contrôle de ce qui se passe sous ses yeux.

–          En ce qui concerne la reconstruction du Palais National détruit pas le séisme de 2010, c’était loin d’être la priorité du président, bien qu’il reconnaisse son sens symbolique. L’urgence c’est « cette population » qui ne comprend même pas ce que c’est qu’ « une mise en quarantaine ». Rien que par cette phrase, le président expose déjà le niveau d’ignorance de tout un peuple dont il est le président. Si bien qu’il enchaine, sur le plateau de « INTERNATIONALES » avec ceci : « En Haïti, celui ou celle qui est malade, parfois, pense qu’il est mangé par le diable ». D’où la nécessité de l’éducation, en inculquant le sens de responsabilité et du civisme chez l’haïtien.

–          Alors qu’il se vante de son travail d’accès à l’éducation, il soutient du même coup que «…la qualité de l’éducation en Haïti est terrible ». D’où sa démarche au près du président Français, François Hollande, consistant a faire envoyer des professeurs, des enseignants retraités pour œuvrer dans ce secteur en Haïti.

–          Sur la condition des femmes qui vivaient sous les tentes, principalement sur les violences faites contre elles, et sur les cas d’avortement, Monsieur Martelly a encore glissé une déclaration de trop.  Au delà du fait qu’il existe une loi qui interdit l’avortement, c’est une question de choix, pour lui. Il est pour la vie, même si la personne violée qui veut avorter peut choisir de le faire. Mais ce n’était pas nécessaire de relater que : « Certains parents acceptent que leur fille de 16 ans couchent  avec un soldat onusien pour de l’argent ».

Pour moi, ces déclarations étaient de trop. Elles n’avaient pas leur place. D’ailleurs, cela ne faisait nullement parti des interrogations des journalistes.  Donc, de plein gré, Michel Martelly apporte le message qu’il ne fallait pas à la surface de la planète, en mettant à nu les dessous d’une certaine tendance populaire due à un problème de formation, imputant à ses responsabilités.

En ce sens, Je pense que par cela, le président Martelly  se faisait mauvais porteur d’un message dont il n’a pas eu la charge, surtout dans son costume de Président de la République. Ces images ne font que renforcer davantage la mauvaise presse dont le pays faisait l’objet bien avant.  D’ailleurs, dès le début de son mandat, le chef de l’Etat avaient dénoncé et indexé des membres de la presse (précisément) qui auraient envoyé des signaux négatifs dans l’internationale, en tenant des discours malencontreux à l’égard du pays.

Il n’est nullement question, suivant mon approche de chercher à cacher, ce qui est déjà impossible, l’état de la situation en Haïti. Le monde est un village. Tous les regards s’entrecroisent sur ce qui se passe de part et d’autre. N’empêche qu’il existe, dans les recoins de chaque société des éléments qui ne sont pas supposés d’être exposés à tort et à travers. Cela dit, le président aurait dû faire économie de certaines choses, en se focalisant sur des éléments susceptibles de vendre au mieux l’image d’une nation qui, bien que souffrante, attendait mieux de son Président.

Worlgenson NOEL

gensonoel@gmail.com

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