Haiti-Duvalier : les funérailles qui défraient la chronique…
Moins d’une semaine après son décès, survenu le 4 octobre dernier, la dépouille de Baby Doc –figure emblématique de la continuité d’un régime tortionnaire instauré par la dynastie Duvalier et ses acolytes – continue de susciter des débats dans la société haïtienne, sur la cérémonie d’inhumation. Tout a commencé samedi dernier, lors d’un tweet du président de la république qui s’est dit attristé de la disparition d’un fils « authentique » du pays. Michel Martelly, qui n’a jamais dissimulé son allégeance au régime Duvaliériste, ne saurait négliger de rendre un dernier hommage à celui qu’il n’a cessé de réserver une place dans plusieurs cérémonies officielles. Offusquées, plusieurs victimes du régime, qui ont intenté une action en justice contre le « bébé dictateur », qualifient la réaction du président de la République comme une insulte à la mémoire et à la dignité des disparus, et des martyrs de la dictature.
Les opinions divergent, quant à la manière de faire les derniers adieux au pauvre défunt. A date, personne n’a avancé un texte de loi, traitant de la nature des funérailles d’un ancien chef de l’Etat. Pour l’heure, Jean Claude Duvalier est considéré comme un « défunt officiel », puisqu’à l’entrée du salon funéraire ou repose son cadavre, en attendant son inhumation, des agents spécialisés de la PNH montent la garde, nous a confié un journaliste. Jamais, pour autant que nous sachions, autant de tumultes, de susurres et de réticences n’avait été manifestées autour de la mort d’un homme, un ancien chef d’Etat. La population est perplexe. La même question se pose: Mérite-t-il des funérailles officielles ou nationales ?
Si pour certains, notamment des proches de l’ancien régime, il s’agit d’un ancien président devant être traité avec la dignité que cela exige, d’autres estiment que l’ancien dictateur ne mérite pas les honneurs de la nation. En effet, dans une conférence de presse organisée ce mardi 07 octobre à la capitale, l’actuel secrétaire d’Etat des affaires étrangères, Henry Robert Sterling, ancien officiel (ambassadeur) du régime, exige que des funérailles nationales soient organisées en faveur de l’ex-président Duvalier. Pour lui, comme tout autre président qui a servi son pays, J C Duvalier a droit à une cérémonie officielle. Appuyé par Jeantel Joseph, du Consortium des partis politiques, qui, lui, affirme, comme pour…..que «Tout le monde est coupable ». Les victimes y compris, bien évidemment.
Pour sa part, l’actuel vice-président du Sénat Haïtien, Andris Riché, demande au président de ne pas organiser des funérailles nationales en faveur de l’ex-dictateur Baby doc. Comme ancienne victime de son régime de terreur, le sénateur propose qu’une cérémonie semi-officielle soit quand même organisée en sa faveur, pour avoir quant même été à la tête de ce pays, comme président-qualifié d’usurpateur. Et en signe de repsect pour les institutions de la République. « Il ne saurait avoir des funérailles nationales », a-t-il renchéri. Et de son coté, Ansyto Félix, du Fanmi-Lavalas, se démarque de toute idée de tenir des funérailles officielles en l’honneur de Duvalier. Il pense qu’une telle situation représenterait une autre forme de supplice infligée aux victimes dont ils entendent, tous, supporter au sein du parti Fanmi Lavalas.
Et dans un communiqué, repris par Alter Presse, sur son site, le Comité contre l’impunité et pour la justice en Haïti (CCIPJH) exprime son « indignation d’apprendre que le gouvernement haïtien compte faire des funérailles nationales à un dictateur, non élu, inculpé de crimes contre l’humanité et de détournements de fonds publics, ce qui est une gifle de plus pour les centaines de victimes vivantes ou mortes de son régime et pour le peuple haïtien tout entier ».
Toujours est-il que, trois jours après sa mort, tout le monde est dans l’expectative. Quelle sera la décision officielle ? Tous les yeux sont rivés sur le gouvernement, le président Martelly doit décider. Mais, en dépit du fait qu’il soit de la même source idéologique du régime, il doit éviter de prendre une décision qui suscitera davantage des frustrations au sein de la société, notamment chez les principales victimes de l’ancien régime.
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